Déby va-t-il dissoudre les syndicats au Tchad ? – DW – 29/12/2016
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Déby va-t-il dissoudre les syndicats au Tchad ?

La rédaction francophone
29 décembre 2016

Les syndicalistes tchadiens sont dans le collimateur du président Idriss Déby. Il a indiqué lors d'une rencontre avec des acteurs de la majorité présidentielle, que les structures syndicales actuelles seraient dissoutes.

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Tschad Präsident Idriss Deby
Le président Idriss Déby est aussi président en exercice de l'Union Africaine Image : Reuters/T. Negeri

'Nous irons vers la dissolution de ces équipes' (Idriss Déby) - MP3-Stereo

Lundi 26 décembre, le président Idriss Déby s'adresse aux membres de la majorité présidentielle au sujet de la crise économique qui frappe le pays et des actions de protestation initiées par l'opposition politique et surtout les syndicats. Le ton est dur et menaçant. Idriss Déby dénonce les leaders syndicaux, qui selon lui accusent pour la forme et militent pour des partis politiques. Les déclarations sont enregistrées mais leur diffusion est déconseillée (par des proches du président) aux médias officiels tchadiens. En voici un extrait au sujet des syndicats:

Francois Hollande, Idriss Deby Itno
Le Tchad est un allié privilégié de la France dans la lutte anti-terroristeImage : picture-alliance/dpa

Propos menaçants et embarrassants

"Je suis au regret de vous dire que vous devez être avec moi, que nous irons vers la dissolution de ces équipes et des syndicalistes, pas de nous, pas du gouvernement, des gens sérieux vont créer et jouer un rôle de défense des intérêts des travailleurs, mais pas des gens qui sont là (pour) s'opposer pour s'opposer à un régime. Il faut s'opposer, il faut mettre en difficulté, il faut ruiner, il faut tuer. C'en est trop, c'est trop."

Des déclarations qui mettent visiblement l'entourage du président dans l'embarras. Aucun des responsables du pouvoir que nous avons joints pour avoir des éclaircissements n'a voulu nous répondre. Même pas la porte-parole du gouvernement Madeleine Alingue. A notre question de savoir si elle confirmait les propos du président, elle nous a imposé de lui adresser un courriel sans pour autant y donner de suite. Extrait de notre conversation téléphonique :

Amtseinführung Idriss Deby Tschad
La réélection du président Déby en avril 2016 est toujours contestéeImage : DW/D. Blaise

Mutisme dans l'entourage présidentiel

"... si vous nous envoyez un protocole de questions on aura beaucoup de plaisir de vous répondre en début d'après-midi. Je vous remercie pour votre respect, Monsieur le journaliste. DW : Le sujet vous embarrasse on dirait? Mme Alingue : J'attends le protocole de questions. Merci beaucoup. Bonne journée. DW : Madame Alingue vous voulez raccrocher? ... " (des bips, elle a raccroché)

En réaction, le Projet pour une Alternance Crédible au Tchad (PACT), une organisation de la société civile tchadienne, a publié un communiqué daté de ce 29 décembre et qui dénonce les propos menaçants du chef de l'Etat, craignant que les droits et libertés d'association soient définitivement enterrés au Tchad. Abdelkerim Yacoub Koundougoumi, membre de cette organisation :

"Même si les médias tchadiens ont eu l'interdiction par les conseillers d'Idriss Déby de publier (ces propos), parce qu'ils ont compris qu'Idriss Déby a tenu des propos inacceptables, ce genre de propos, Idriss Déby les tient quotidiennement ! Le régime de fonctionnement des organisations de la société civile n'est pas de la volonté ou du vouloir d'Idriss Déby, non ! "

Tschad Streik der Lehrer in N'Djamena
Une plateforme de jeunes tchadiens s'engage dans la défense de l'école tchadienneImage : DW/B. Dariustone

Réactions des syndicalistes

Monsieur Koundougoumi annonce - et se dit prêt à soutenir - des protestations des organisations syndicales en réaction aux propos du président Déby. De quoi aggraver le climat social déjà délétère au Tchad.

Le président Idriss Déby a par ailleurs averti qu'il n'y aurait plus d'augmentations de salaires au Tchad et que l'embellie devait prendre fin. Il a défendu les mesures d'austérité en vigueur. Il a aussi reconnu que l'Etat tchadien n'arrivait plus à payer les salaires à la date échue.

C'est dans cette ambiance que le Premier ministre français Bernard Cazeneuve est arrivé ce jeudi à N'djamena pour une visite aux forces françaises déployées au Sahel. Il en a profité pour délivrer un message de soutien au président Idriss Déby Itno. Le chef de l'Etat tchadien est un précieux allié sur le front anti-djihadiste. Mais son pays est plongé dans une sérieuse crise économique ayant entraîné un vaste mouvement de grève dans les principaux secteurs d'activité. Un mouvement déclenché par les syndicalistes. Voilà pourquoi ceux-ci sont devenus la cible du président Déby.